Claus, qu'est-ce que la stratégie de design ?
C'est un sujet très polyvalent, qui commence par une réflexion sur la manière dont le design évoluera à l'avenir. L'expression du design en tenant compte des influences futures de la société, c'est-à-dire la signification du design au sens large. Mais la stratégie de design concerne bien sûr aussi la conception de nos produits, la planification de l'évolution du concept de véhicule et du langage du design. La philosophie de design en est la base : quel est notre principal objectif ?
Il y a quelques années, nous avons défini notre voie : nous créons des expériences, pas seulement des produits. Le produit en tant que matériel en lui-même n'est qu'une partie d'une expérience de design. Les nouvelles technologies, la communication et la numérisation déterminent de plus en plus la conception, mais surtout l'utilisation des véhicules. Il ne suffit donc plus de concevoir la forme ; il faut aussi créer l'environnement, c'est-à-dire les expériences que le véhicule peut me procurer.
Je le compare toujours au smartphone. Le design du produit est classique et élégant. Mais beaucoup plus important encore, c'est ce que je peux en faire, ce que je peux expérimenter avec, de quelle manière j'organise ma vie avec. C'est exactement de cette manière que les expériences influenceront beaucoup plus le véhicule à l'avenir. Il est important de prévoir dans quelle direction nous voulons nous développer de manière stratégique. L'Audi activesphere concept¹, par exemple, illustre ce caractère d'expérience par excellence.

Une expérience est quelque chose d'abstrait, pas un design visible et tangible.
L'expérience est également possible avec un design classique. L'expérience esthétique de voir une belle voiture, les proportions, la dynamique. Dans l'habitacle ensuite, la qualité des éléments que je touche et la valeur des choses que je ressens. Bien sûr, c'est aussi quelque chose qui donne à notre clientèle une expérience qui peut la captiver émotionnellement. Et ces expériences s'étendent désormais considérablement pour inclure des thèmes numériques qui ne sont pas physiquement tangibles. Les affichages et la connectivité dans le véhicule posent de nouvelles exigences au sujet de l'interface utilisateur et de l'expérience utilisateur. D'une part, les écrans et les surfaces de projection occupent de plus en plus d'espace dans le véhicule. Mais la numérisation modifie naturellement la manière dont le véhicule est utilisé et dont les informations sont traitées dans le véhicule. C'est la raison pour laquelle nous appelons cela le design d'expérience. Et il est très important pour nous que vous puissiez également ressentir les exigences premium qui caractérisent Audi.

Au cours des dernières années, Audi a présenté à de nombreuses reprises des véhicules concepts. Entre 2017 et 2019, il s'agissait des concepts AI, actuellement les quatre véhicules concepts Sphere. Est-ce une façon d'aborder l'avenir et de vérifier quelles seront les réactions à ce sujet ?
Bien sûr. Les quatre véhicules AI conçus entre 2017 et 2019 ont montré comment l'automobile évoluera lorsque la conduite automatisée deviendra un jour une réalité et que l'on ne pourra peut-être plus posséder de véhicules, mais seulement les utiliser. C'est pourquoi nous avons conçu quatre cas d'utilisation et créé un véhicule équipé chacun des dernières technologies. Nous avons fait un énorme bond dans l'avenir, peut-être 30 ans. Il s'agissait d'étudier la manière dont le véhicule sera utilisé si l'on regarde aussi loin.
En revanche, pour les quatre modèles Sphere, il était important pour nous de nous rapprocher des véhicules que nous allons apporter à l'avenir. Cela signifie qu'ils doivent être mis en œuvre plus tôt sur le plan technologique, qu'ils ne sont pas aussi radicaux, tout en montrant comment nous concevons l'avenir.
Avec nos véhicules concepts, nous passons donc du futur lointain au présent et nous intégrons ici ces inspirations futures pour faire avancer nos concepts ainsi que le langage du design.

Les véhicules seront-ils bientôt plus futuristes ? Ou la conception change-t-elle de manière évolutive ?
J'ai toujours du mal avec le terme futuriste. Certaines de nos études étaient très futuristes. Et plus on se rapproche du moment prévu pour la projection de ces études, plus le langage du design évolue dans cette direction.
Chez Audi, nous préférons un développement continu mais dynamique du design. Parce que nous voulons maintenir le lien entre le design d'aujourd'hui et celui de demain. Ces étapes du design extérieur sont parfois un peu plus grandes et parfois un peu plus petites. Mais environ tous les trois à quatre ans, vous pouvez les identifier sur les nouveaux modèles. À l'heure actuelle, bon nombre de nos véhicules sont chargés d'émotions et très fortement définis par des lignes épurées. Nous allons à présent passer à une esthétique qui est à nouveau un peu plus douce et fluide, où nous réduisons les lignes, pour ainsi dire, et travaillons davantage sur les volumes et les surfaces tendues.
Notre monde est si complexe, nous recevons en permanence tellement d'impressions visuelles, que les véhicules Audi doivent être un havre de paix. Avec notre design de véhicule, nous voulons émouvoir les gens et leur offrir des expériences significatives. L'Audi RS e-tron GT et l'Audi Q4 e-tron sont déjà des véhicules qui s'orientent un peu plus dans cette direction souple. Cette tendance se poursuivra donc dans les années à venir.

Vous avez dit au début que la stratégie de design est également influencée par la société. Quels sont les principaux facteurs à prendre en compte ? De quelles influences Audi s'inspire-t-elle ?
La question est bien sûr d'identifier les changements technologiques, les possibilités. En effet, l'évolution dans ce domaine est très dynamique. De plus, l'internationalisation nous préoccupe énormément, les grandes influences des trois marchés. D'abord l'Europe. Ensuite, le marché nord-américain, qui est bien sûr très différent des besoins du marché et des clients. Et encore une fois, le marché chinois, qui évolue à très grande vitesse, est beaucoup plus rapide que tous les autres marchés.
Notre ambition est bien sûr de nous immerger dans ces marchés et ces régions pour en découvrir les nouveautés, ce qui compte pour les clients à l'avenir. En Chine en particulier, la structure de la clientèle est très différente. Notre clientèle y est nettement plus jeune que sur les autres marchés. De très nombreuses clients de véhicules haut de gamme sont des premiers acheteurs. Cela signifie qu'ils abordent le sujet de l'automobile d'une manière complètement différente. C'est précisément pour cette raison que nous sommes allés plus loin dans le développement de l'Audi urbansphere concept¹, que nous avons présenté en Chine l'année dernière, en co-création avec des « trend receivers » chinois spécialement sélectionnés et des clients potentiels. Nous les avons impliqués dès le début du processus de design : qu'attendez-vous d'un tel concept de véhicule ? Ce fut une excellente collaboration, très fructueuse.

Cela signifie que les influences progressives des clients affectent également la stratégie de design ?
Oui, on remarque que le développement rapide du marché chinois a une influence. Il sera très intéressant de voir comment cela se poursuivra au cours des prochaines années. C'est pourquoi il est très intéressant pour nous en ce moment de savoir comment nous allons faire évoluer notre design pour qu'il réponde à ces nouvelles exigences.
Les choses évoluent énormément au niveau des concepts de véhicules également. Ces concepts très classiques, à savoir une berline, un hayon, un break ou un SUV, existeront-ils encore ? Il y a, au sens de la forme de la carrosserie, de plus en plus de véhicules hybrides. Nous sommes au cœur de notre époque et nous avons beaucoup d'idées.